« En Grèce, les liens avec le français sont très forts »
À chaque numéro, le témoignage d’une personnalité marquante de l’émission de TV5Monde présentée par Ivan Kabacoff. Aujourd’hui, Sophie Sioutis, enseignante de français à Athènes. Une rubrique « Étonnants francophones » à retrouver dans le numéro 425 (septembre-octobre 2019) du Français dans le monde.
« J’aime bien dire que je suis une enfant d’immigrés. Je suis née à Paris, de parents grecs. Mon père était tailleur, il est venu en France avec ma mère au milieu des années 60. J’ai suivi une scolarité française mais parallèlement, de 11 à 18 ans, j’étais dans le “Foyer hellénique” de Châtenay-Malabry, une école confessionnelle orthodoxe. J’y ai appris le grec moderne, le grec ancien, mais aussi l’histoire, la philosophie, le théâtre. Ça m’a marquée à vie !
À 18 ans, j’ai obtenu la nationalité française. J’ai suivi des études de Lettres modernes à la Sorbonne, et aussi, plus tard, des cours d’histoire de l’art et d’archéologie à l’École du Louvre. En 1997, je n’avais pas encore 30 ans, j’ai décidé de partir m’installer en Grèce. Pour découvrir la vraie Grèce, celle de tous les jours. Enfant je n’y allais que pour les vacances, c’était vraiment le dépaysement total, le lieu rêvé… Ceci étant, je ne me suis pas installée en Épire, la région d’origine de mes parents, mais à Athènes.
« J’ai suivi une scolarité française mais parallèlement, de 11 à 18 ans, j’étais dans le “Foyer hellénique” de Châtenay-Malabry, une école confessionnelle orthodoxe. J’y ai appris le grec moderne, le grec ancien, mais aussi l’histoire, la philosophie, le théâtre. Ça m’a marquée à vie ! »
Très vite, j’ai enseigné le français, à des jeunes et des moins jeunes, un peu partout : dans des écoles de langues étrangères et même à l’Institut français. Depuis plus de dix ans, je travaille à l’école primaire privée “Pédagogiki”, au Pirée, où le français est langue obligatoire au même titre que l’anglais. D’ailleurs Théodore Katsikaros, le directeur, est un francophone averti et un grand spécialiste de Dumas ! Ce qui me plaît chez les petits, c’est leur curiosité. Ils adorent découvrir de nouveaux mots. Et moi, j’adore l’étymologie, je m’amuse avec eux. Ils essaient toujours de trouver s’il y a des mots français d’origine grecque. Ne serait-ce que le mot “francophone”, qui possède la désinence grecque phônê, “voix”. Rappelons que 10 % de la langue française a une origine grecque…
Je propose aussi des lectures faciles, notamment avec C’est chouette, la vie ! de CLE International. L’histoire alieu à Nice et ainsi ils découvrent que c’était un port phénicien. Un dernier exemple : presque tous les ans, je monte avec mes élèves des spectacles bilingues français/grec, qu’on présente à l’Auditorium « Théo Angelopoulos » de l’Institut français de Grèce avec qui nous sommes partenaires.
« Mes petits élèves essaient toujours de trouver s’il y a des mots français d’origine grecque. Ne serait-ce que le mot “francophone”, qui possède la désinence grecque phônê, “voix”. Rappelons que 10 % de la langue française a une origine grecque… »
À l’école, les enfants apprennent la langue française à travers une approche pluridisciplinaire. Je collabore ainsi avec d’autres profs : celui de grec ancien, d’arts plastiques, de musique… Notre combat journalier, c’est de faire aimer les mots français, la langue et la culture françaises. J’insiste sur la comparaison, même s’ils sont jeunes, de la réalité grecque avec la réalité française. Ici en Grèce, le lien avec le français est toujours fort, malgré la crise qui a pu inciter des parents à privilégier d’autres langues. Mais il y a plein de manifestations, d’activités pédagogiques qui encouragent enfants et parents à choisir le français. Deux exemples cette année : le Concours de la Francophonie, qui a fait participer plus de 4 000 élèves au Coffre des merveilles pour promouvoir le patrimoine grec et la langue française. Et l’organisation d’un tournoi de rugby à 7 pour les jeunes publics (9-11 ans), en lien avec la Coupe du monde de rugby 2019 au Japon et Paris 2024 : le 1er trophée FrancOvalie ! On s’est intéressé au vocabulaire sportif, on a composé un « haka » et une bannière…
J’éclaire aussi mes élèves sur ce qu’est l’espace francophone. Je leur fais par exemple découvrir la prononciation québécoise. Ou comme j’aime beaucoup l’art, je leur parle des voyages de Matisse, en Afrique du Nord ou en Polynésie. Ils sont aussi épatés de découvrir qu’en Guyane française il y a la base aérospatiale de Kourou. Tout ça pour dire qu’en Grèce, les liens avec le français sont très forts. Ils sont passionnés et passionnants. Et ils perdurent !
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